Un des mystères absolus, un qu'on ne parvient toujours pas à résoudre totalement en 2014, est un détail du quotidien certes inoffensif mais passionnant: le bâillement. Signe physique de la fatigue par excellence, le bâillement est extrêmement contagieux. Dingue, non?
Comment peut-on transplanter un coeur et ne pas savoir pourquoi le bâillement est contagieux? La science a semble-t-il encore ses limites en matière de neurologie et les chercheurs ne parviennent toujours pas à percer le mystère totalement. Cependant, pris de passion depuis des dizaines d'années pour le sujet, ils ont pu établir plusieurs points avec certitude.
Premièrement, le bâillement contagieux est un phénomène que l'on ne constate que chez l'homme et le chimpanzé. La contagion se produit lorsque l'on voit, entend ou pense à un bâillement.
Deuxièmement, on peut établir un facteur d'âge, soit de capacité évolutive au bâillement contagieux. En effet, le bâillement de fatigue ou d'ennui ou de faim se produit déjà chez le bébé dans le ventre de sa mère. Le bâillement contagieux n'apparaît, lui, qu'à partir de l'enfance. Une nouvelle étude publiée le 14 mars dernier dans le magazine scientifique PLOS ONE met en exergue une variante d'âge dans le bâillement au cours de la vie.
Des tests effectués sur de nombreux individus de plusieurs tranches d'âges ont révélé que, confrontés à des vidéos de personnes en train de bâiller, chaque catégorie d'âge réagissait plus ou moins fort. Ainsi, les moins de 25 ans étaient plus réceptifs aux bâillements d'autrui, devant les 26-50 ans, lesquels l'étaient à leur tour bien plus que les seniors. Plus on est vieux, moins l'on est susceptible d'être touché par le bâillement contagieux. Si cette variable est la plus stable aux yeux des chercheurs, il en demeure que ce facteur de circonstance n'explique pas la nature du phénomène. Les scientifiques ont évalué l'influence du facteur d'âge à 8% seulement.
Troisièmement, il est établi que le bâillement contagieux a une dimension sociale, parfois qualifiée d'empathique. "Je ressens la fatigue en te voyant fatigué" tout comme "Je suis ému de te voir triste". Cette explication, qui nous vient aussi spontanément qu'un bâillement contagieux, n'est pourtant pas suffisante aux yeux des scientifiques qui soulignent le caractère plus automatique du bâillement contagieux que ne l'est la compassion, par exemple. Néanmoins, on a constaté que les personnes atteintes de schizophrénie ou d'autisme - deux troubles impliquant les capacités sociales de l'individu - sont nettement moins susceptibles de céder au bâillement contagieux. Une corrélation est donc incontournable.
D'autres études se sont penchées sur la corrélation entre la contagion et l'intelligence ou l'heure de la journée, mais sans obtenir de résultat probant. Pourquoi alors s'acharner sur un phénomène particulièrement bénin? Simplement parce qu'il semble important pour les spécialistes de découvrir un mécanisme biologique responsable d'un automatisme entre humains.
Mais aussi parce qu'ils espèrent découvrir une origine purement génétique au bâillement contagieux. Un gène ou une combinaison de gènes qui, chez certains sujets, rendraient ce réflexe possible. Cela équivaudrait à une piste solide pour décrypter les variations génétiques responsables de la schizophrénie et de l'autisme, mais de bien d'autres maladies encore. Et même si aucun lien ne pouvait être établi entre ces pathologies et la variation génétique responsable du bâillement contagieux, les chercheurs retireraient toujours des informations cruciales des processus biologiques en jeu. Un dernier point: si vous avez bâillé en lisant ces quelques lignes, c'est une question de contagion, bien entendu.